Quand tu es dessinateur, tu tombes régulièrement sur un con qui te pose des questions sur ton métier, alors qu'il s'en fout royalement et qu'au mieux, la dernière BD qu'il a lu, c'est Bibi Fricotin.
Faut faire avec, c'est notre Karma, la plupart des gens ne lisent que des notices de camescopes et des panneaux publicitaires et si on tombe sur quelqu'un d'un peu cultivé, manque de bol, il ne lit, bien entendu, pas de bandes dessinées.
Moi, maintenant, je dis que je suis charcutier.
C'est plus simple et comme ça au moins j'évite la question réccurente qui est : Et vous arrivez à en vivre ?
Je ne vous dis pas comme ma vie a changé depuis que je suis charcutier. Il n'y a jamais personne qui demande à un charcutier s'il arrive à en vivre. Un charcutier, s'il ne trouve pas d'éditeur pour éditer sa charcuterie, personne ne pense que c'est un mauvais charcutier, on dit c'est la crise, alalah, mon pauvre monsieur.
Un charcutier, on ne lui fait pas ressentir qu'il est pas tellement connu, comme charcutier, on ne lui demande pas à combien d'exemplaires il a vendu ses saucisses.
Parce que les gens, ça ne les intéresse pas que tu fasses un truc intéressant, ce qui les intéresse, c'est de connaître un type connu.
Le truc qu'il vaut mieux éviter d'expliquer, c'est que tu ne cherches pas à être connu, que tu t'en balances d'être connu, surtout par eux, que de toutes façons ils n'y connaissent rien.
Il vaut mieux éviter. On perd de l'énergie et ils ne te prennent pas au sérieux, parce qu'ils ne savent pas ce que c'est que le plaisir de créer, même des trucs merdiques avec des petits bonhommes rigolos.
La plupart d'entre nous, les dessinateurs, on ne fait pas ça pour l'argent la gloire et la beauté, ( parce qu'on est déjà très beau, on peut se permettre d'être pauvre et inconnu ! ), non, on fait ça parce qu'on ne peut pas faire autrement.
Une espèce de fée gribouilli, pour se marrer, s'est penchée sur nos berceaux et nous a saupoudré de perlimpimpinesque poudre, ( de la graphite HB le plus souvent !).
Quelquefois, elle a eu la main un peu lourde sur la graphite, la fée, comme pour Joann Sfar, mais en général, elle reste raisonnable et elle en met juste assez pour qu'on passe le restant de notre vie à se faire traiter de branleurs.