Donc hier soir, au cinéma de Auch, Laetitia Carton et ses deux films.
Très beau portrait d’Edmond Baudoin, j’y ai croisé Seb Cazes, un autre dessinateur du Gers, j’imagine que si ça avait été un portrait de Franquin j’aurais aussi rencontré Azara, Ernst et Windenlocher et Achdé si ça avait été un portrait de Achdé.
Le trait de pinceau de Baudoin sur grand écran c’est d’une grande beauté zen, comme les paysages de l’arrière pays Niçois.
Quand on aime le trait, le dessin, on pourrait regarder ça pendant une heure et demi sans problème parce que c’est fascinant.
Je n’ai pas appris grand chose sur Edmond Baudoin car je connais bien ses livres et il est tout entier dedans. Il y a un très beau travail de la réalisatrice sur certains plans de décors que l’on retrouve dans les cases des albums et un montage subtil d’une séquence pendant laquelle Baudoin semble se perdre dans une idée fumeuse et japonisante de tracé à l’eau sur un sol de bitume. Il casse son gros pinceau, la danseuse esquisse des gestes incongrus, on ne saisi pas très bien où tout ça va mener et puis la dernière séquence du film donne forme à ce ballet éphémère par un jeu d’ombres, comme un contrepoint cinématographique au trait de Baudoin.
J’ai croisé Edmond Baudoin à l’occasion de quelques festivals BD et je me souviens surtout d’un petit déjeuner passé en sa compagnie dans un hôtel de Grenoble. Le film le montre bien tel qu’il apparaît dans le monde réel. C’est un beau portrait de ce que Baudoin essaie d'être, ( comme tout un chacun ).
Je ne connaissais pas Laetitia Carton et si le film sur Baudoin m’intéressait, je ne pensais pas qu’il serait visible dans le Gers. On a la chance avec ciné 32 de pouvoir avoir ce genre de film à la cambrousse.
Deuxième séance, salle comble pour le film “ J’avancerai vers toi avec les yeux d’un sourd”.
Je me dis qu’il y a visiblement dans le Gers plus de sourds que d’amateurs de bonnes bandes dessinées en remarquant quelques personnes qui s’expriment par gestes.
J’exagère, il y avait bien entendu ( ah ah ah ! ), dans la salle des gens concernés par le problème de la surdité, mais pas tant que ça.
Ce film là, je ne serais probablement pas allé le voir parce qu’on passe facilement à côté de ce genre de choses. Comme je n’aurais pas regardé “La pieuvre” de film de Laetitia Carton qui a pour sujet la maladie de Huntington qui ravage sa famille, s’il n’y avait pas eu cette séance à Auch. Vous pouvez voir ses premiers films ICI
J’aime beaucoup les films documentaires d’Agnès Varda, je vois une certaine filiation entre les deux réalisatrices. Le choix de la première personne et celui d’accompagner les films avec sa propre voix, de se mettre en scène et d’aborder des sujets personnels. Il y a un lien aussi avec le travail de Baudoin évidemment.
“J’avancerai vers toi avec les yeux d’un sourd” est un très beau film, émouvant mais sans pathos, on en sort avec l’envie d’apprendre le langage des signes et le sentiment d’avoir croisé un autre mode de perception du monde.
Comme pour la séquence à la fin du portrait de Baudoin, le film se termine par une superbe idée, cette fois paradoxalement basée sur le son et grandiose grâce à la voix de la chanteuse Camille. On prend conscience tout à coup que l’on était pas obligé de lire les sous-titres, ( même si on ne peut pas empêcher son cerveau de le faire ! ) et que nous, nous avons entendu le vent, les chants d’oiseaux, les bruits de la ville…
Il manquera aux sourds l’émotion que procure ce chant final à moins que le langage corporel du comédien Levent Beskardes qui l’accompagne puisse en être un équivalent pour eux, ce qui me paraît malheureusement peu probable.
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