J’ai eu hier une intéressante discussion avec mon double maléfique.
Il me disait, à la suite des récentes tragédies, avec le cynisme qu’on lui connaît, il me disait donc : quelle bouillie de sentiments, quel fatras de prise de positions grotesques, de lieux communs, d’indignations à la syntaxe limitée, florilège de “c’est juste pas possible”, de “je vomis ceci, je vomis cela”.
On vomit beaucoup, ces temps-ci. On a vomi le foot, on vomit les incompétents qui incompètent à la tête de “Notre France” pays des droits de l’Homme et du fromage, on vomit bien sûr, la religion, les fanatiques, l’été pourri…
Les moins sujets à la nausée sombrent dans un délire compassionnel à base de bougies, de cœurs gros comme ça et de dessins plus pitoyables les uns que les autres.
Je lui ai dit “ta gueule !” à mon double maléfique. C’est pas en tenant de tels propos qu’on va avoir plein de petits cœurs est de pouces levés !
Mon double maléfique, c’est pas le mauvais bougre, mais il voit le mal partout.
Même chez les braves gens.
moi, je ne sais plus.
Le monde part en couille depuis déjà pas mal de temps, depuis probablement l’aube de l’humanité, depuis que le premier connard a foutu son poing sur la gueule de l’imbécile d’à côté pour un détail, une divergence de vues, un mammouth mal garé.
Mon double maléfique est allé chercher quelques textes magnifiques de stupidité, sur les réseaux sociaux, pour me mettre le nez dans le caca.
Ce qui est effrayant, ce n’est pas que sous le coup de l’émotion des gens expriment leur colère, leur angoisse, leur tristesse… maladroitement.
Non, ce qui est affligeant, ce sont les commentaires approbateurs de leurs “suiveurs”, tous unis dans la bêtise de l’instant.
J’ai dit à mon double maléfique qu’il ferait mieux de fermer son compte Facebook, en plus de sa gueule.
La grande force de la démocratie, c’est justement cette faiblesse qui lui est reprochée.
Aussi abjects que soient les crimes commis par les déséquilibrés qui agissent au nom d’un dieu hypothétique, preuve qu’ils relèvent bien de la psychiatrie, la réponse n’est pas moins de liberté, ni moins d’humanisme.
Le “mal” ne se combat pas par le “mal”, ce serait trop facile.
Derrière les appels vindicatifs à ce que l’état, c’est à dire le gouvernement, règle “le problème du terrorisme en agissant enfin” comme on peut le lire chez nos grands penseurs et poètes des réseaux sociaux, se dissimule à peine un désir d’épuration.
Faire naître la peur de l’autre, puis la haine, en l’occurence celle de tout ce qui est basané, portant un foulard ou vaguement suspect d’appartenir à “l’autre camp”, c’est le but recherché par les organisateurs de cette guerre des décérébrés.
Ils sont en train de réussir.
Les braves gens du café du commerce en ligne, qui ont visiblement des idées précises derrière la tête, devraient les exposer clairement, que l’on soit au moins fixé sur cette France forte qu’ils appellent de leurs vœux. Se contenter d’évoquer des “mesures à prendre” sans préciser lesquelles est un peu facile.
Prendre des mesures contre une poignée de jobards dissimulés dans la population est impossible. Inutile de rêver. Il font des centaines de victimes parce que c’est simple de faire un carnage dans une foule.
Alors quoi ?
fermer les frontières, déployer l’armée, organiser l’extradition des ressortissants étrangers musulmans, déporter vers des camps de rééducation les français d’origines un peu louches ?
c’est à ça que vous pensez ?
Beau programme.
L’idée que le pays fait face à une guerre se heurte à une population de consommateurs qui veut passer des vacances tranquilles. qu’on lui trouve des solutions radicales pour continuer à vivre l’illusion d’un monde en paix.
L’état islamique fait moins de morts en France que la pollution par les particules fines. Mais la pollution, c’est moins spectaculaire qu’un carnage en camion, on n’exigera pas du gouvernement un état d’urgence sanitaire, me souffle mon double maléfique.
S’il te plaît, ne mélange pas tout, toi aussi, que je lui dis en le rentrant dans sa cage.
Comme j’aimerais ne pas être effrayé (aussi) par mes compatriotes et par moi-même.
Nous avons du mal à concevoir que des gens puissent nous haïr et vouloir nous soumettre, mais ces choses arrivent, elles se sont déjà produites et d’autres que nous en ont souffert.
C’est dur, c’est choquant, c’est révoltant, mais nous ne devons pas sacrifier en plus, ce pourquoi les victimes des attentats sont tombées : notre liberté, notre égalité, notre fraternité.
Même si ces grands mots paraissent parfois bien utopiques, c’est tout ce que nous avons en magasin pour ne pas sombrer.
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