vendredi 6 juin 2008

Ouah ! Ouah !

Les faits divers, c’est la vie réelle dans sa cruauté la plus sinistre. Ce matin, il y a un renard mort sur le chemin de l’école. Comme je suis un papa attentif et soucieux d’éviter à ma fille de commencer la journée par la vue d’un cadavre, je bifurque juste à temps pour ne pas passer à côté de la bestiole qui croyait qu’il n’y avait plus de pétrole et qu’on pouvait baguenauder le nez au vent sur les chemins communaux. Pas encore. À la radio on cause d’un petit garçon qui est mort suite aux mauvais traitements infligés par papa et maman. Je coupe le son, soucieux d’éviter à ma fille de commencer la journée par l’audition d’un fait divers scabreux. Après, je me dis qu’il faut bien affronter le réel et on écoute les cours de la bourse. Le papa du fait divers est maître chien et il déclare qu’il voulait dresser le petit Enzo, ( toujours préciser le nom de “ la petite victime” ), comme il le fait avec ses chiens. Maître chien, c’est bien pour l’éducation des enfants, d’ailleurs, les meilleurs pédiatres sont des vétérinaires. Est-ce que, s’il avait été maître renard, il aurait été plus malin ? Il y a quelques jours, un type à balancé dans un lac un gamin de huit ans après avoir tué sa mère. Ce sont des faits-divers, des choses qui arrivent et qu’on nous raconte. Ça met une bonne ambiance. On ne va pas commencer le journal par : “ Attention, il y a un renard écrasé sur la route, faites un détour, il n’est pas joli à voir “ ou : “ ce matin plein de gens ont embrassé leurs enfants tendrement “ Non, c’est mieux d’entretenir la peur. La peur, ça rend fragile, docile, si vous vivez dans l’anxiété, vous êtes plus contrôlable. Il vous faut vos moyens de communications pour vous rassurer, votre téléphone portable-doudou que vous tripotez fébrilement, qui a remplacé la cigarette dans la gestuelle pour se composer une attitude désinvolte et décontractée alors, que vous avez la peur au ventre, avouez ! Qui fait le choix de développer une information et de la faire monter en neige ? J’avais une amie, qui, il y a quelques années, a tué sa fille de neuf ans d’un coup de fusil avant de se suicider. Les faits-divers me paraissent moins abstraits et me font repenser à cette horreur. Les médias nationaux n’en ont pas parlé et voilà qui pose la question du choix de l’information qui fait peur, qui angoisse. C’est comme la relation d’un accident de la route en particulier, alors qu’il y a tous les jours des accidents meurtriers. Comment choisit on ce qui va nous faire peur ? Émeutes de la faim, choc pétrolier, la banquise qui fond, les chimpanzés qui disparaissent, Amélie Mauresmo éliminée.. C’est quand même pas les allemands qui défilent sur les Champs Élysée, nom d’une pipe ! Non, justement, c’est pire parce que ce ne sont que des fléaux abstraits sur lesquels nous n’avons aucune prise. Contre les allemands, on pouvait résister, ( on pouvait collaborer aussi, c’était pratique ! ), contre la banquise qui fond et Amélie Mauremo qui perd, on ne peut rien. La peur, ça fait courir plus vite, mais ça ne rend pas les Hommes plus fort.



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