Moi je suis content !Je suis content parce qu’il va y avoir une décharge d’amiante dans le village pas loin.
C’est vraiment une super nouvelle, le préfet vient d’autoriser un gars qui en a marre de faire l’agriculteur et d’entretenir le paysage, à devenir tout seul comme un grand, déchargeur d’amiante, pour foutre en l’air le paysage. Avec la complicité du maire du village qui pense avant tout à sa commune et à l’effet miraculeux pour le tourisme, du futur panneau à l’entrée du village : “LANNEPAX: 600 habitants, son clocher, sa décharge d’amiante”.
Déchargeur d’amiante, au cas ou vous avez un bout de terrain, c’est facile et ça paye bien, c’est un nouveau métier.
Un beau métier, un vraiment bien beau métier. Pensez à vos enfants, faites déchargeur d’amiante.
Allez, vous avez bien un bout de pelouse derrière la maison qui ne sert à rien. De l’amiante, on ne sait plus quoi en faire, c’est pas que c’est dangereux, mais c’est pas joli et ça file le cancer.
À la campagne, en tout cas, c’est inoffensif, sinon vous pensez bien que le préfet n’aurait pas autorisé un particulier à faire une chouette décharge pour ses enfants.
Moi j’ai un copain, il a construit un portique avec des balançoires, pour ses enfants et bien il y en a un qui s’est cassé le bras. Un portique, c’est vachement dangereux.
Donc, je suis content. Une décharge d’amiante, j’en rêvais, mais je n’osais pas en demander une au père Noël.
C’est que je commence à trouver que ça devient un peu trop touristique, le Gers. Il y a même des gens d’ailleurs qui viennent s’installer, des allemands, des anglais, des belges...Pourquoi pas des parisiens, pendant qu’on y est !
Eh, oh ! Le mélange, ça va hein, si ça continue, on ne va plus pouvoir consanguiner tranquille !
Remarquez, je dis ça, moi je viens aussi d’ailleurs, mais comme c’est de la planète Mars, on ose pas trop m’emmerder.
C’est qu’ils l’ont bien mérité, ces blaireaux, leur décharge d’amiante, à force d’être tranquilles, pénards dans leur terroir à la con, avec leur air pur à la con, leurs canards à la con et leur maire à la con.
Tranquille, pas de vagues, pas de manifestations, on fait confiance au préfet. Un préfet, normalement c’est un type intelligent, sinon il serait douanier.
Tiens, ils ont aussi un préfet à la con !
Moi, en tant que ressortissant de la planète Mars, j’ai pas vraiment le droit de m’en mêler, de leurs affaires, ça pourrait créer un fâcheux précédent et il faudrait envoyer Sakoz sur Mars pour négocier mon extradition du Gers.
Je suis tout de même allé voir ce qui se passait dans la salle des fêtes de LANNEPAX hier soir, car il y avait une réunion secrète publique de la secte des “opposants à la décharge n’importe comment et n’importe où”.
J’ai failli leur dire que comme nom de secte, ça ne vaut pas tripette, mais comme ils étaient malgré tout plus nombreux que moi, j’ai préféré fermer ma gueule.
Je ne sais pas si c’est parce que j’étais particulièrement bien luné, ou parce que grosso modo, on était tous d’accord pour dire que déchargeur d’amiante, il faut vraiment être le dernier des abrutis pour ne trouver rien de mieux à faire de sa terre, mais je me suis senti un peu moins Martien.
Comme quoi, rien ne vaut un ennemi commun.
Je n’irais pas jusqu’à dire “vivement que les allemands reviennent”, d’autant qu’ils sont déjà là et que je leur ai presque pardonné la demi-finale de Séville 82, mais déjà, un peu de guérilla rurale sur fond de militantisme écologique, n’est pas pour me déplaire.
Bon sang, où c’est que j’ai rangé ma banderole “guardarem lou larzac” !
Esprit est-tu là ?Comme d’habitude, je n’ai pas réussi à ne pas faire le mariole. En réalité, la façon dont en France, on peut enfouir n’importe quoi, n’importe où, sans souci du bien commun, est proprement, ou salement, sidérante. À Lannepax, les “opposants à la décharge d’amiante n’importe comment et n’importe où”, vont essayer de se battre contre “ Mr je fais du fric et après moi le déluge”.
C’est pas gagné car ce n’est pas 600 blaireaux du Gers qui vont intéresser les médias de crise, mais si parmi les gentils lecteurs de mes conneries il y avait quelques journalistes, ( il y a déjà un bon reportage à faire, croyez moi, ça vaut le détour !), ou bien quelques activistes professionnels, qu’ils n’hésitent pas à frapper trois fois !